Régime pauvre en gluten

Un régime pauvre en gluten réduit l'abondance de bactéries potentiellement bénéfiques au sein du microbiote intestinal chez les adultes en bonne santé

Un nombre croissant de personnes en bonne santé adoptent un régime alimentaire sans gluten sans aucune indication médicale, alors que la preuve des bienfaits d'un tel régime chez ces personnes restent encore à démontrer. Notre objectif était d'évaluer si un régime pauvre en gluten suivi sur une période prolongée, pouvait influencer la composition et le fonctionnement du microbiote intestinal chez les adultes sains, connaissant le lien étroit existant entre microbiote intestinal et santé de l'hôte. Quarante volontaires en bonne santé consommant du gluten dans leur alimentation habituelle ont été inclus dans un essai contrôlé randomisé comprenant deux périodes successives de 8 semaines d'intervention alimentaire avec un régime pauvre en gluten. Après chaque période de 8 semaines, la composition du microbiote intestinal a été déterminée (séquençage haut débit du gène ARNr 16S, quantification par qPCR, cultures) et sa capacité métabolique a été évaluée (dosage des métabolites fermentaires fécaux par RMN). Un régime pauvre en gluten suivi sur une période prolongée réduit la richesse du microbiote intestinal et diminue l'abondance relative d'espèces bactériennes présentant des bienfaits potentiels pour la santé (expl Akkermansia muciniphila, Bifidobacterium sp, espèces dégradant les polysaccharides de la paroi cellulaire végétale). Ces modifications s'accompagnent de l'augmentation de la concentration fécale d’un métabolite microbien intermédiaire, l'éthanol. En conclusion, un régime pauvre en gluten suivi sur une durée de 4 mois a considérablement modifié la composition et le métabolisme fermentaire du microbiote intestinal chez des individus en bonne santé, engendrant un profil dysbiotique du microbiote précédemment associé à des effets néfastes pour la santé.

Contexte et enjeux

Au cours de la dernière décennie, une augmentation du nombre de personnes en bonne santé adoptant un mode de vie sans gluten, sans aucune indication médicale, a été observée.  Ces personnes restreignent leur consommation de gluten pour diverses raisons, notamment une amélioration de leur bien-être, en particulier digestif, la gestion de leur poids ou la perception que le gluten est nocif [1]. Cependant, les preuves des bienfaits pour la santé d'un régime pauvre en gluten chez ces personnes restent critiques, faute de résultats solides et convaincants.
Le gluten, composant alimentaire majeur du blé, est un complexe protéique comprenant de grands peptides (gliadines et gluténines). Ces grands peptides sont difficilement décomposés par les protéases intestinales et peuvent donc parvenir au côlon où ils sont susceptibles d’induire des changements au sein du microbiote intestinal [2]. De telles modifications ont  déjà été rapportées chez des adultes en bonne santé en réponse à la réduction du gluten de l'alimentation mais le peu d'études a montré des résultats hétérogènes [1,2,3].
Afin de mieux comprendre les effets d'un régime pauvre en gluten chez des personnes en bonne santé, nous avons recherché l'impact d'une exposition prolongée à un tel régime sur la composition et l'activité métabolique du microbiote intestinal chez 40 individus adultes. Les volontaires sont ainsi passés de leur régime alimentaire habituel contenant du gluten à un régime pauvre en gluten (LGD) pendant deux périodes successives de 8 semaines. Le régime LGD a été obtenu en remplaçant les pâtes et le pain à base de farine de blé par leurs équivalents à base de farine de riz et de maïs (réduction estimée de l'apport en gluten d'environ 80%).

Résultats

Nos résultats montrent qu'un régime pauvre en gluten suivi pendant plusieurs mois induit des changements majeurs de la composition du microbiote intestinal d'adultes français en bonne santé. Une réduction de la richesse microbienne est ainsi observée ainsi qu’une diminution de l'abondance d'espèces dont les bienfaits potentiels pour la santé ont été rapportés, telles que Akkermansia muciniphila et Bifidobacterium sp. La modification de la teneur en fibres, due au remplacement du blé par le riz ou le maïs, affecte également le niveau et la diversité de la communauté dégradant les fibres et de la population produisant du butyrate.  Ces changements microbiens se traduisent par la promotion de la synthèse d'éthanol, métabolite susceptible d'avoir des effets néfastes pour la santé. Un régime alimentaire pauvre en gluten prolongé sur plusieurs mois modifie ainsi le microbiote intestinal de sujets sains vers un profil plus dysbiotique, précédemment associé à des effets délétères sur la santé de l'hôte.

Perspectives

L’évaluation des effets à long terme d'un régime pauvre en gluten sur la santé des individus sains semble indispensable car les modifications induites au niveau du microbiote intestinal par ce régime sont reconnues pour avoir des effets néfastes.

Valorisation

E. Delmas, R. Bingula, C. Del'homme, N. Meunier, A. Caille, N. Lyon-Belgy, R. Richard, M.G. Do Couto, Y. Wittrant, A. Bernalier-Donadille. A low gluten diet reduces the abundance of potentially beneficial bacteria in healthy adult gut microbiota.Nutrients, 2025 Jul 22;17(15):2389. doi: 10.3390/nu17152389. 

Référence bibliographique

Bonder et al . The Influence of a Short-Term Gluten-Free Diet on the Human Gut Microbiome. Genome Med 2016, 8 (1), 45. https://doi.org/10.1186/s13073-016-0295-y.
Hansen et al. A Low-Gluten Diet Induces Changes in the Intestinal Microbiome of Healthy Danish Adults. Nat Commun 2018, 9 (1), 4630. https://doi.org/10.1038/s41467-018-07019-x.
De Palma et al. Effects of a Gluten-Free Diet on Gut Microbiota and Immune Function in Healthy Adult Human Subjects. Br J Nutr 2009, 102 (8), 1154–1160. https://doi.org/10.1017/S0007114509371767.