PHYTOMA

N° 783 AVRIL 2025 PHYTOMA (article de presse) : Réguler les populations par une approche vaccinale

La prolifération cyclique du rongeur fouisseur sauvage Arvicola terrestris scherman est un sujet d’inquiétude dans les écosystèmes de moyenne montagne au sein de plusieurs pays européens. Les moyens de lutte actuels sont basés notamment sur l’utilisation de substances chimiques, provoquant des dommages collatéraux importants sur les prédateurs des campagnols et les animaux partageant leur écosystème. ÉTUDE L’objectif du projet Contracamp (2018-2024) est de développer une stratégie alternative, basée sur une vaccination contraceptive, de manière à limiter la fertilité des campagnols. La première étape a consisté en l’identification des antigènes présents sur les spermatozoïdes des campagnols et capables de déclencher une réaction immunitaire à la fois chez les mâles et les femelles. PERSPECTIVES Les travaux en cours consistent à évaluer la capacité de petits peptides (sélectionnés à partir des protéines immunogènes identifiées les plus intéressantes, et ayant une séquence spécifique d’A. terrestris) à déclencher la réponse immune et à interférer de manière efficace avec les processus normaux de la fécondation. Le crible a permis de réduire les candidats à cinq peptides, dont trois sont en cours d’évaluation en association. En parallèle, une forme d’appât compatible avec l’immunisation par voie orale a été développée. Son efficacité, testée en animalerie, est prometteuse : elle altère les caractéristiques reproductives des campagnols terrestres mâles.

Contexte et enjeux

Ce projet a été réalisé dans le cadre d'une collaboration avec l'iGReD (Fabrice SAEZ et Joël DREVET) où l'UMR MEDIS a participé au développement de la formulation galénique des antigènes pour une administration chez les campagnols. L’immunocontraception animale mobilise le système immunitaire des individus pour contrôler la reproduction des espèces animales. Elle constitue donc une alternative non invasive aux techniques traditionnelles de régulation des populations animales – comme la stérilisation chirurgicale ou le piégeage – destinées à prévenir les déséquilibres biologiques et leurs conséquences environnementales, économiques et sociétales. Cette méthode a montré des résultats prometteurs dans diverses régions du monde, notamment pour la gestion des populations de chevaux sauvages, de cerfs, de chats et même d’éléphants. Elle soulève toutefois des questions complexes concernant son efficacité à long terme ou encore son impact potentiel sur la biodiversité. Le principe fondamental de l’immunocontraception repose sur l’activation du système immunitaire d’un animal afin qu’il produise des anticorps spécifiques contre des protéines essentielles à la reproduction. Ces protéines peuvent inclure des hormones contrôlant les processus de reproduction, comme la GnRH (Gonadotrophin Releasing Hormone, une hormone hypothalamique régulant le fonctionnement des gonades), ou des antigènes présents à la surface des spermatozoïdes et/ ou des ovocytes. Une limitation des protéines déjà éprouvées dans des stratégies immunocontraceptives est qu’elles ne sont pas spécifiques de l’espèce ciblée, car elles ont un fort degré d’homologie entre espèces, comme c’est le cas pour la GnRH. Démarré en 2018 pour une première phase de trois ans, le projet Contracamp développe trois axes principaux dans l’objectif de mettre au point un vaccin contraceptif qui soit à la fois applicable sur le terrain et efficace pour limiter la reproduction d’Arvicola terrestris. 

Résultats

À l’aide d’outils informatiques dédiés à l’analyse des séquences protéiques pour prédire des épitopes, nous avons sélectionné 33 épitopes correspondant à dix-sept protéines d’intérêt (dont huit font partie des quinze protéines spécifiques du spermatozoïde, mentionnées précédemment). Les dix-sept protéines ont été sélectionnées selon des critères d’amplitude de la réaction immunitaire observée, de localisation subcellulaire au sein du spermatozoïde, ou d’éléments bibliographiques rapportant soit leur importance dans les processus de fécondation, soit leur capacité déjà démontrée comme potentiel antigène immunocontraceptif. cinq épitopes immunogéniques ont été sélectionnés, et une association de trois d’entre eux est aujourd’hui à l’étude pour la phase suivante. Cette phase consiste à procéder à des immunisations par voie orale, seule voie d’administration envisageable sur le terrain, bien qu’elle ne soit pas la plus favorable pour la réponse immunitaire chez les mammifères. Une formulation sous forme de comprimés, répondant aux exigences d’appétence des rats taupiers a été mise au point et a été testée sur le terrain.Les résultats préliminaires se sont révélés très prometteurs : huit semaines après immunisation, des effets notables sur la production de spermatozoïdes ont été observés.

Perspectives

Des études complémentaires seront menées entre 2025 et 2027 sur un plus grand nombre d'animaux pour valider la formulation finale.

Valorisation

Ces résultats sont en cours de protection via une déclaration d'invention.

Références bibliographiques

N° 783 AVRIL 2025 PHYTOMA

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Vaccin contraceptif sous forme de comprimés pour réduire les pullulations de campagnols terrestres © Fabrice Saez, Emmanuelle Lainé, Joël Drevet