Le mucus intestinal

Le mucus intestinal : un nouvel acteur dans la physiopathologie des infections à Escherchia coli entérotoxinogènes (ETEC)

À l'interface entre la lumière digestive et l’hôte, le mucus, sécrété par les cellules caliciformes, forme un gel protecteur à la surface de l’épithélium intestinal humain et est colonisé par un microbiote spécifique. Plusieurs agents pathogènes entériques doivent interagir avec cette ligne de défense physique, chimique et biologique et la traverser afin d'atteindre les cellules intestinales. C’est le cas du pathogène Escherichia coli entérotoxinogène (ETEC), principal agent responsable de la diarrhée du voyageur, qui est équipé d'un arsenal d'adhésines et de mucinases permettant respectivement l'adhésion aux cellules epithéliales intestinales et la dégradation du mucus. Le rôle des interactions entre mucus, microbiote intestinal et ETEC dans la virulence du pathogène reste peu étudié. En utilisant un ensemble d'approches in vitro complémentaires simulant l'environnement digestif humain, cette étude visait à décrire la manière dont le mucus peut façonner la survie de la souche de référence ETEC H10407, son adhésion aux cellules intestinales, l'expression de ses gènes de virulence, l'induction d’une réponse pro-inflammatoire (interleukine-8 ) et son interaction avec le microbiote.

RESUME

Les Escherichia coli entérotoxinogènes (ETEC) sont responsables d’infections entériques particulièrement prévalentes dans les pays en voie de développement et communément appelées « diarrhées du voyageur ». La couche de mucus, qui recouvre l’épithelium intestinal humain, constitue à la fois une barrière physique contre l’entrée des pathogènes et le réservoir d’un microbiote commensal spécifique. Les interactions entre ETEC, mucus et microbiote intestinal restent à ce jour très peu décrites. Ce travail de recherche conjoint entre l'Université de Gand (Cmet, Belgique) et l'Université Clermont Auvergne (MEDIS, France) visait à mieux comprendre comment le mucus intestinal peut moduler la survie et la virulence des ETEC dans l’environnement digestif humain. A cet effet, des modèles in vitro complémentaires de la lumière digestive (modèle gastro-intestinal TIM-1, fermentation batch) et de l’épithélium (Caco-2 et HT-29/MTX) humains, ont été utilisés. Nos résultats suggèrent que la présence d'une niche de mucus favorise la survie des ETEC dans la lumière du tractus digestif supérieur et leur adhésion aux cellules épithéliales intestinales, suggérant une capacité de colonisation augmentée. Ce travail met en exergue la nécessité de mieux prendre en compte ce compartiment mucus pour développer de nouvelles stratégies de lutte contre les infections à ETEC chez l'Homme.

RESULTATS

Dans le modèle gastro-intestinal TIM-1 simulant les conditions physico-chimiques rencontrées dans la lumière du tractus digestif supérieur humain, nous avons mis en évidence que la sécrétion de mucus et les billes de mucine-alginate (fournissant une matrice physique d’adhésion) favorisaient la survie de la souche ETEC H10407. Ainsi, le compartiment mucus pourrait constituer une niche permettant au pathogène de se maintenir dans des conditions digestives stringentes. En intégrant la partie hôte grace à l’utilisation du modèle de co-culture Caco2 (enterocytes) / HT29-MTX (cellules à mucus), nous avons démontré que la présence du mucus favorisait l'adhésion des ETEC et modulait l'expression de certains gènes de virulence. Dans des expériences de fermentation batch du microbiote fécal humain, nous avons prouvé que l’ajout de mucus ne favorisait pas la colonisation par les ETEC.

PERSPECTIVES

En utilisant des approches in vitro complémentaires, cette étude met en évidence le rôle majeur joué par le mucus dans la physiopathologie des infections à ETEC, ouvrant ainsi la voie au développement de nouvelles stratégies de lutte contre ces infections ciblant spécifiquement l’interaction avec le mucus.

VALORISATION

L’intégration de la composante mucus dans les modèles digestifs in vitro réalisée au cours de ce travail (TIM-1, fermentation batch) permettra d’augmenter leur potentiel et leur champs d’application dans les domaines de la microbiologie/santé. Ils permettront ainsi d’étudier les interactions entre microbiote intestinal, mucus et tout intrant posifif (e.g. probiotique) ou négatif (comme ici les microorganismes pathogènes).

REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE

Sauvaitre T, Van Landuyt J, Durif C, Roussel C, Sivignon A, Chalancon S, Uriot O, Van Herreweghen F, Van de Wiele T, Etienne-Mesmin L, Blanquet-Diot S. Role of mucus-bacteria interactions in Enterotoxigenic Escherichia coli (ETEC) H10407 virulence and interplay with human microbiome. npg Biofilms and Microbiomes

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Système TIM-1 (TNO gastro-Intestinal tract Model 1) (A) et exemple de billes de mucines introduites dans le système (B) (copyright UMR MEDIS)

Date de modification : 24 mai 2023 | Date de création : 06 octobre 2022 | Rédaction : SD